vendredi 2 mai 2014

Politicaillement correct : l'intégration

Deux concepts d'intégration des immigrants découlent directement des idées déjà élaborées. Alors que le début du XXe siècle avait une prédominance du Melting Pot, la fin de ce siècle voit de nouvelles idées émerger: le multiculturalisme et l'interculturalisme. Définissons chacune de ces approche de l'immigration.

D'abord, l'idée de melting pot est foncièrement américaine. Ce concept fait référence à l'idée que l'immigrant, à son arrivée, doit se fondre dans la masse. Les particularités d'origine ethnique doivent être mises de côté au profit d'une identité nationale commune. L'on parle donc d'assimilation profonde, de standardisation culturelle et d'uniformisation de la société. De cette situation émerge, dans les années 1960, celle d'affirmation ethno-culturelle. L'on parle maintenant de "salad bowl" : les immigrants conservent leur identité, tout en y ajoutant un nouvel aspect, celui de la nation américaine. Peu importe l'angle d'approche, nous parlons donc ici d'assimilation de l'ethnicité, dans son acceptation large de tout groupe identitaire ne faisant pas partie du groupe anglo-américain. (1)

Le multiculturalisme émerge environ dans les mêmes années que celles de "l'affirmative action" aux États-Unis. La particularité de cette approche est qu'elle a pour objectif de favoriser l'affirmation ehtno-culturelle par une approche plutôt individualiste. En effet, pour le multiculturalisme, tous les individus doivent pouvoir avoir accès aux mêmes services et privilèges, peu importe leur système de valeurs. Toutefois, la diversité exprimée par le multiculturalisme doit dépasser l'individu et doit s'exprimer dans des institutions favorisant le contact culturel. (2) Le multiculturalisme (surtout canadien et australien) se pose donc en faux au concept de melting pot américain, et exprime un désir de diversité culturelle comme un outil de la cohésion sociale, en essayant d'amoindrir les différentes sources de discrimination structurelle. Il faut donc, pour se faire, un effort institutionnel afin de favoriser l'égalité des individus. Il s'agit en ce sens d'un "effort démocratique universaliste". (2) Malgré tout, le multiculturalisme engage un certain niveau d'acculturation: l'immigrant doit s'engager à adopter un certain nombre de valeurs communes dans sa société d'accueil.

Finalement, l'interculturalisme est une invention contemporaine purement québécoise. L'idée est mieux expliquée par le terme de "convergence culturelle". Bernard Landry l'exprimait d'ailleurs ainsi: "cela consiste à enrichir par divers apport le tronc original principal planté il y a plus de quatre siècles par les colons qui ont fondé la Nouvelle-France." (3) Outre les problèmes liés à l'oblitération des cultures amérindiennes beaucoup plus ancienne, l'interculturalisme en soulève d'autres. Si l'idée se distingue naturellement du multiculturalisme canadien, elle semble rejoindre, en certains points, celle de l'assimilation américaine. En effet, les immigrants sont poussés à adhérer à un "tronc commun" foncièrement canadien français, tout en "l'enrichissant" de leur apport particulier. En d'autres mots, le nouvel arrivant est appelé à être immigrant à la maison, et Québécois dans l'espace public. Tout comme chez les voisins du sud, où l'on retrouve les afro-américains, les sino-américains, etc, l'on devrait donc trouver, au Québec, des catégories semblables. On déguise donc, sous le verni d'intégration, des concepts liés à l'assimilation et à la déculturation.

L'idée qui émerge ici n'est pas qu'un de ces concept est meilleur ou pire que l'autre, mais qu'il faudrait peut-être, dans une réalité propre au XXIe siècle, redéfinir nos rapports à l'immigration et à l'immigrant, dans un respect mutuel des différences. L'idée n'est ni de "forcer" une assimilation complète ou partielle, ni d'encourager une ghettoïsation des communautés, mais probablement de trouver un juste équilibre sociétal.

Référence :
(1) Philippe Poutignat et Jocelyne Streiff-Fenart, Théories de l'ethnicité, PUF
(2) Milena Doytcheva, Le multiculturalisme, La découverte
(3) Bernard Landry, La véritable "nous", Le Devoir, 0ctobre 2007


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