mercredi 18 mars 2015

Grève étudiante : légale ou pas ?

Récemment, le malheureusement célèbre Jean François Morasse aurait déclaré que
« Jean-François Morasse a tenu à dire qu'il n'a rien contre les manifestations étudiantes, qu'il s'agit d'un droit, mais que les grèves étudiantes sont illégales, comme l'ont statué les tribunaux, a-t-il rappelé. » (source : Huffington Post)
Les tribunaux ont-ils réellement statué sur la légalité de la grève étudiante ? La question est légitime.

Rappelons qu'en 2012, un bon nombre d'injonctions interlocutoires provisoires ont forcé le retour en classe de certaines associations étudiantes en grève. Pour un néophyte, il semblerait en effet que les tribunaux ont interdit aux étudiants de faire la grève. Or, il en est tout autrement. En effet, selon le Réseau Juridique du Québec,  l'injonction provisoire ne demande qu'un apparence de droit, n'implique aucunement la partie adverse, et le juge ne se prononce pas sur la question de fonds. Il est donc erroné de penser que les tribunaux ont statué sur la légalité de la grève étudiante.

Nous sommes toujours dans un flou artistique, puisque ni la jurisprudence, ni la loi ne statue clairement sur le droit de grève des étudiants. Toutefois, je ne peux m'empêcher de faire le parallèle entre le mouvement "carré vert" et le "Right to work".

jeudi 5 mars 2015

Le racisme culturel : bis

Vous vous rappelez ce truc que j'ai écris, il y a longtemps, sur le racisme culturel ? Eh bien, je vous invite à lire ces commentaires que j'ai recensé, sur une pétition en appui à la juge Eliana Marengo, qui a récemment refusé d'entendre la cause d'une femme portant le hijab.

Commençons par le texte d'introduction de la pétition

Notons, entre autre, l'idée que "le port de ces types de vêtements est conforme aux principes de la charia si précieux aux intégristes islamistes et souvent financés par eux." . Bon, mis à part le fait qu'un hijab coûte à peu près 5$ dans n'importe quel Ardenne....

Entrons dans le vif des commentaires. Parce que ce genre de pétitions ne peut qu'appeler des commentaires joyeux, érudits, et remplis de bon sens.


Le «hijad» peut donc être porté par des hommes barbus, qui y cachent des bombes. Alors qu'on sait que le hijab montre le visage.... Mais bon, puisqu'on change hijab pour hijad, j'imagine que c'est maintenant un vêtement ample qui couvre le corps, tel un de skidoo.


Heureusement, forcer les gens à s'émanciper n'est pas nécessairement contradictoire.

J'ai cru bon de dépersonnaliser le commentaire, vu son niveau d'érudition. Et non, je ne suis pas celui qui a composé la réponse.

Parce que oui, le Bien être social est un montant d'argent versé mensuellement aux femmes pour qu'elles portent un hijab. Oui.

Je pourrais continuer pendant des heures, parce qu'il y a près de 1000 commentaires joints à cette pétition. Mais je vous pose cette question: comment ces commentaires sont-ils si loin du concept de racisme culturel que j'ai déjà exposé ? Nous jugeons, en tant que société occidentale « moralement supérieure », des coutumes, des pratiques culturelles, que nous jugeons comme inassimilables. Nous traitons, au nom de la laïcité, des musulmans de barbares à cause de leurs coutumes vestimentaires.

J'ai bien dit "des musulmans" et non "les musulmans". Parce que, l'islam, comme le judaisme, le catholicisme, ou le laicisme, connaît plusieurs tendances. Le racisme culturel correspond à l'idée de ne pas reconnaître les autres tendances comme légitimes, mais plutôt comme des barbares qui ne méritent pas les mêmes droits que les autres. Je ne vous parlais pas aussi, récemment, de la liberté de parole ?

dimanche 11 janvier 2015

Liberté d'expression, #Charlie et malaise

L'idée, ici, n'est pas de revenir sur les événements récents de Paris. Mais simplement soulever certains points qui m'empêchent de soutenir un mouvement comme #JeSuisCharlie. Encore une fois, je ne soutient pas ici ni les tueurs, ni la tuerie. Je soulève simplement certains malaises.

La liberté d'expression
Dès le départ, on affirme que l'acte, la tuerie de Paris, est une attaque directe sur la liberté d'expression, si chère à la France. Or, comment pouvons-nous affirmer que cette liberté est belle et bien si chère, alors que la France elle-même censure des humoristes comme Dieudonné ? Il ne s'agit pas ici de cautionner son humour, ou son style d'humour, mais simplement de questionner l'idée d'une liberté d'expression à géométrie variable.



L'histoire des caricatures
Certains médias ont décidé de publier intégralement les caricatures controversées, celles représentant le prophète. Or, lors de l'incendie des locaux de Charlie Hebdo, en 2011, tous les médias s'étaient entendus pour flouter ces caricatures. Encore une fois, parle-t-on de liberté d'expression à géométrie variable ? Ou de solidarité médiatique conditionnelle ?


 #JeSuisCharlie , la pire des hypocrisies
N'est-il pas un peu bizarre de voire le maire Denis Coderre affirmer qu'il est Charlie, et qu'il prône la liberté d'expression, alors même qu'il soutient le règlement P6, brimant cette liberté à ses propres citoyens ? 
Ou encore que Régis Labeaume se pose comme un défenseur de la liberté d'expression, alors qu'il peine à l'accorder à ses opposants dans les conseils municipaux, ou aux employés de la ville de Québec dans les négociations?
Ou finalement qu'on affirme haut et fort que nous sommes tous Charlie, mais qu'il faudrait du même souffle resserrer les frontières et fermer les mosquées ? Je ressent un profond malaise.


La marche, une autre affaire
Ce dimanche, les rues de Paris se sont remplies de citoyens et autres politiciens affirmant leur support à Charlie Hebdo et à la liberté d'expression. Certes, l'idée est louable. Toutefois....
Que vient y faire Erdogan, alors même qu'il n'hésite pas à emprisonner les opposants formulant quelconque critique du pouvoir ? Et c'est sans compter les nombreux journalistes, tel que rapporté par Reporter Sans Frontière en 2012, qui y sont emprisonnés.
Que vient y faire Benjamin Netanyaou, qui n'hésite pas à exercer une censure sur les opposants aux régime militariste d'Israel ?
Que vient y faire Steven Blaney, alors que son gouvernement n'hésite pas à exercer une ingérence politique dans les recherches scientifiques?
Et, ironiquement, des partis ayant appuyé le projet de loi 78, en 2012, brimant la liberté d'association, viennent manifester, à Québec, pour la liberté d'expression, au point d'en prendre une photo. 


Voila. Alors non, nous ne sommes pas tous Charlie. Vous n'êtes pas Charlie, non plus. Laissons les proches, la famille, les amis et collègues, ainsi que le monde de la caricature satirique faire son deuil. Mais n'allez pas les embêter avec votre relativisme indécent.


Addendum 
De plus, pour avoir une idée des chefs d'État et de leur représentants, présents à la manifestation de Paris, affichant leur appui à la liberté d'expression tout en ayant des attitudes plus que douteuses à l'intérieur même de leurs frontières, je vous suggère ce lien. L'utilisateur @DanielWickham93 en a fait, sur Twitter, une liste impressionnante, qui a été mise sur Storify.

vendredi 9 mai 2014

Politicaillement correct : le racisme culturel

Un autre point me semble vraiment important à aborder, surtout d'un point de vue communicationnel en relations interculturelles. Si le racisme s'exprime souvent de manière très visible (voir ces exemples récents de verbalisation dans la NHL ou la NBA), il est beaucoup plus pernicieux en ciblant des cultures qui sont 'inassimilables', ou tellement différentes qu'elles risquent de menacer l'ordre normal des choses.

Maryse Potvin exprime cet état de fait assez clairement. (1)
"On constate d'un côté que le discours normatif québécois est inclusif, qu'un important dispositif juridique et institutionnel a été mis en place pour garantir le respects des droits de la personne et l'égalité des chances, qu'il n'existe par de formation politique raciste, que le nombre de Québécois se déclarant ouvertement racistes est réduit, que le modèle général de mobilité sociale des immigrants est globalement favorable et que les événements explicitement racistes sont rares. Toutefois, on remarque, de l'autre côté, la réapparition épisodique de phénomènes inquiétants, la présence de dérapages discursifs et de discriminations subtiles dans les rapports intergroupes, ainsi que des inégalités persistantes pour certaines minorités."
Son analyse va plus loin. L'auteure parle de néoracisme lorsqu'elle parle de la société québécoise (et occidentale en générale) contemporaine. Si, d'une part, les expression racistes basées sur la couleur de la peau et l'origine ethnique sont officiellement condamnées par l'appareil étatique, et que des politiques officielles d'inclusion raciales existent, d'autre part, les différences culturelles sont amplifiées par ce même appareil. Ainsi, on en vient à considérer certains groupes comme "inassimilables".
"À partir de nouvelles formes de racisation, les minoritaires ne sont plus construits socialement comme "biologiquement inférieurs" mais comme différents, inassimilables, porteurs de différences pathologiques, irréductibles ou naturelles, au même titre que l'étaient les présumées "races" d'hier. La "différence culturelle" devient le principal facteur explicatif des rapports sociaux."
On peut bien expliquer, par cette seule citation, les déboires récents et anciens sur les accommodements religieux et sur la "charte" des valeurs. Car, par ces deux phénomènes, on tentait de cibler des aspects spécifiques de cultures qui semblaient inassimilable, et que l'on devait, de surcroit, bannir de la sphère publique.

Lorsqu'on parle de racisme, donc, l'attribut principal du bien-pensant est de considérer que physiquement, tous les hommes et femmes sont égaux. Toutefois, certaines valeurs, certaines cultures peuvent être considérées comme "barbares". L'Occident est demeuré, malgré tous les efforts du politiquement correct, comme un phare de la civilisation, de la culture et des valeurs dites morales. C'est en niant les différences que le politiquement correct accentue les divergences, les endosse et en tire profit.

(1) Maryse Potvin, Racisme et discrimination au Québec: réflexion critique et prospective sur la recherche, [in] Renaud, Germain et Leloup, Racisme et discrimination, PUL

vendredi 2 mai 2014

Politicaillement correct : l'intégration

Deux concepts d'intégration des immigrants découlent directement des idées déjà élaborées. Alors que le début du XXe siècle avait une prédominance du Melting Pot, la fin de ce siècle voit de nouvelles idées émerger: le multiculturalisme et l'interculturalisme. Définissons chacune de ces approche de l'immigration.

D'abord, l'idée de melting pot est foncièrement américaine. Ce concept fait référence à l'idée que l'immigrant, à son arrivée, doit se fondre dans la masse. Les particularités d'origine ethnique doivent être mises de côté au profit d'une identité nationale commune. L'on parle donc d'assimilation profonde, de standardisation culturelle et d'uniformisation de la société. De cette situation émerge, dans les années 1960, celle d'affirmation ethno-culturelle. L'on parle maintenant de "salad bowl" : les immigrants conservent leur identité, tout en y ajoutant un nouvel aspect, celui de la nation américaine. Peu importe l'angle d'approche, nous parlons donc ici d'assimilation de l'ethnicité, dans son acceptation large de tout groupe identitaire ne faisant pas partie du groupe anglo-américain. (1)

Le multiculturalisme émerge environ dans les mêmes années que celles de "l'affirmative action" aux États-Unis. La particularité de cette approche est qu'elle a pour objectif de favoriser l'affirmation ehtno-culturelle par une approche plutôt individualiste. En effet, pour le multiculturalisme, tous les individus doivent pouvoir avoir accès aux mêmes services et privilèges, peu importe leur système de valeurs. Toutefois, la diversité exprimée par le multiculturalisme doit dépasser l'individu et doit s'exprimer dans des institutions favorisant le contact culturel. (2) Le multiculturalisme (surtout canadien et australien) se pose donc en faux au concept de melting pot américain, et exprime un désir de diversité culturelle comme un outil de la cohésion sociale, en essayant d'amoindrir les différentes sources de discrimination structurelle. Il faut donc, pour se faire, un effort institutionnel afin de favoriser l'égalité des individus. Il s'agit en ce sens d'un "effort démocratique universaliste". (2) Malgré tout, le multiculturalisme engage un certain niveau d'acculturation: l'immigrant doit s'engager à adopter un certain nombre de valeurs communes dans sa société d'accueil.

Finalement, l'interculturalisme est une invention contemporaine purement québécoise. L'idée est mieux expliquée par le terme de "convergence culturelle". Bernard Landry l'exprimait d'ailleurs ainsi: "cela consiste à enrichir par divers apport le tronc original principal planté il y a plus de quatre siècles par les colons qui ont fondé la Nouvelle-France." (3) Outre les problèmes liés à l'oblitération des cultures amérindiennes beaucoup plus ancienne, l'interculturalisme en soulève d'autres. Si l'idée se distingue naturellement du multiculturalisme canadien, elle semble rejoindre, en certains points, celle de l'assimilation américaine. En effet, les immigrants sont poussés à adhérer à un "tronc commun" foncièrement canadien français, tout en "l'enrichissant" de leur apport particulier. En d'autres mots, le nouvel arrivant est appelé à être immigrant à la maison, et Québécois dans l'espace public. Tout comme chez les voisins du sud, où l'on retrouve les afro-américains, les sino-américains, etc, l'on devrait donc trouver, au Québec, des catégories semblables. On déguise donc, sous le verni d'intégration, des concepts liés à l'assimilation et à la déculturation.

L'idée qui émerge ici n'est pas qu'un de ces concept est meilleur ou pire que l'autre, mais qu'il faudrait peut-être, dans une réalité propre au XXIe siècle, redéfinir nos rapports à l'immigration et à l'immigrant, dans un respect mutuel des différences. L'idée n'est ni de "forcer" une assimilation complète ou partielle, ni d'encourager une ghettoïsation des communautés, mais probablement de trouver un juste équilibre sociétal.

Référence :
(1) Philippe Poutignat et Jocelyne Streiff-Fenart, Théories de l'ethnicité, PUF
(2) Milena Doytcheva, Le multiculturalisme, La découverte
(3) Bernard Landry, La véritable "nous", Le Devoir, 0ctobre 2007


jeudi 24 avril 2014

Politicaillement correct : 2

L'art du "politically correct" découle directement des concepts établis dans la publication précédente. Le Toupictionnaire suggère d'ailleurs cette origine pour le terme : l'expression serait apparue vers la fin du XXe siècle au États Unis, "pour dénoncer ou se moquer d'une attitude qui cherche à n'offenser ni dénigrer aucune minorité. Elle est utilisée pour qualifier une façon socialement acceptable de s’exprimer."

Le politiquement correct consiste donc en un discours épuré et bien-pensant. Le but de ce discours n'est pas de reconnaître la diversité, mais bien de nier la différence. Des exemples existent dans tous les domaines. Ainsi, on ne dit plus "représentant en services à la clientèle", mais bien un "associé", pour donner une impression d'égalité entre les employés. On peut dire aussi "technicien de surface" pour parler d'un concierge. On parle de "réorganisation" pour désigner des licenciements.

La langue de bois est donc le penchant politique de cette réalité. Je vous laisse sur cette citation de Jean Dutourd : le politiquement correct serait une tendance discursive "bienfaisante, incontestable, irréfutable, et pour tout dire obligatoire, une certaine philosophie politique qui, extérieurement, a l'air d'être le fruit de la morale, de la tolérance, de l'humanitarisme, du progressisme, de l'égalité, de l'esprit démocratique, alors qu'elle n'est en réalité que l'expression la plus autoritaire du conformisme international, lequel, sous couleur d'idéalisme, peut se livrer à un pragmatisme effréné qui ne recule pas à l'occasion devant le crime."

Donc, au lieu d'aller au -delà du préjugé, le politiquement correct l'enrobe dans un discours rempli d'hyperboles et d'euphémismes afin d'éviter d'offusquer qui que ce soit. 

mercredi 23 avril 2014

Politicaillement correct

Certaines discussions récentes sur les réseaux sociaux, et des blagues d'humoristes ou commentaires de politiciens m'emmènent dans une direction que je pensais pas aborder d'un côté communicationnel. C'est qu'il y a, foncièrement, une importante distinction à établir entre la suppression des préjugés et le "politically correct" épuré.

(Alerte d'autopromotion)
Je vous invite à lire, en préalable, un court écrit que j'avais produit en 2012, lors de la campagne électorale et qui m'avait valu l'honneur d'être bloqué (je le suis toujours) par François Legault sur les réseaux sociaux numériques.

Donc, vous direz, pourquoi revenir sur le sujet? D'une part, une affaire judiciaire a mené de nombreuses discussions entre étudiants universitaires. D'autre part, différents discours racistes, homophobes ou sexistes n'ont cure de s'éteindre dans l'espace public.

Le préjugé

D'abord, un peu de sociologie (ou d'anthropologie sociale, tout dépend). Pourquoi l'être humain se croit-il justifié d'avoir recours aux préjugés? Simplement parce que, pré-historiquement, ils lui ont permis de survivre. Voir un lion, et avoir peur, c'est un préjugé. Pas besoin de lui demander son nom avant de savoir qu'il nous trouve plus appétissant que sympathique.

Le problème survient lorsque ce-dit préjugé s'applique sur un autre être humain, dans un effort d'exclusion ou de singularisation sociale. Il faut entendre ici que les préjugés négatifs (les mexicains sont paresseux) ont autant d'impact que les préjugés positifs (les asiatiques sont bons en mathématiques). Celui-ci sera certes différent selon les contextes et les individus. On peut ressentir un besoin de conformisme (je devrais être meilleur en maths), de fatalisme (j'ai pas le choix d'être bon en maths et d'en faire une carrière) ou de rejet (je vais couler mes maths). Bref, les mots ont autant d'impact que les idées qui les projettent.

Ceci n'est qu'un premier volet d'une série plus ou moins longue sur le sujet. Mais je vous invite sincèrement à y réfléchir. Je reviendrai prochainement sur le "politically correct": quelle est la différence entre ce concept et celui de l'élimination de préjugés sociaux?