vendredi 9 mai 2014

Politicaillement correct : le racisme culturel

Un autre point me semble vraiment important à aborder, surtout d'un point de vue communicationnel en relations interculturelles. Si le racisme s'exprime souvent de manière très visible (voir ces exemples récents de verbalisation dans la NHL ou la NBA), il est beaucoup plus pernicieux en ciblant des cultures qui sont 'inassimilables', ou tellement différentes qu'elles risquent de menacer l'ordre normal des choses.

Maryse Potvin exprime cet état de fait assez clairement. (1)
"On constate d'un côté que le discours normatif québécois est inclusif, qu'un important dispositif juridique et institutionnel a été mis en place pour garantir le respects des droits de la personne et l'égalité des chances, qu'il n'existe par de formation politique raciste, que le nombre de Québécois se déclarant ouvertement racistes est réduit, que le modèle général de mobilité sociale des immigrants est globalement favorable et que les événements explicitement racistes sont rares. Toutefois, on remarque, de l'autre côté, la réapparition épisodique de phénomènes inquiétants, la présence de dérapages discursifs et de discriminations subtiles dans les rapports intergroupes, ainsi que des inégalités persistantes pour certaines minorités."
Son analyse va plus loin. L'auteure parle de néoracisme lorsqu'elle parle de la société québécoise (et occidentale en générale) contemporaine. Si, d'une part, les expression racistes basées sur la couleur de la peau et l'origine ethnique sont officiellement condamnées par l'appareil étatique, et que des politiques officielles d'inclusion raciales existent, d'autre part, les différences culturelles sont amplifiées par ce même appareil. Ainsi, on en vient à considérer certains groupes comme "inassimilables".
"À partir de nouvelles formes de racisation, les minoritaires ne sont plus construits socialement comme "biologiquement inférieurs" mais comme différents, inassimilables, porteurs de différences pathologiques, irréductibles ou naturelles, au même titre que l'étaient les présumées "races" d'hier. La "différence culturelle" devient le principal facteur explicatif des rapports sociaux."
On peut bien expliquer, par cette seule citation, les déboires récents et anciens sur les accommodements religieux et sur la "charte" des valeurs. Car, par ces deux phénomènes, on tentait de cibler des aspects spécifiques de cultures qui semblaient inassimilable, et que l'on devait, de surcroit, bannir de la sphère publique.

Lorsqu'on parle de racisme, donc, l'attribut principal du bien-pensant est de considérer que physiquement, tous les hommes et femmes sont égaux. Toutefois, certaines valeurs, certaines cultures peuvent être considérées comme "barbares". L'Occident est demeuré, malgré tous les efforts du politiquement correct, comme un phare de la civilisation, de la culture et des valeurs dites morales. C'est en niant les différences que le politiquement correct accentue les divergences, les endosse et en tire profit.

(1) Maryse Potvin, Racisme et discrimination au Québec: réflexion critique et prospective sur la recherche, [in] Renaud, Germain et Leloup, Racisme et discrimination, PUL

vendredi 2 mai 2014

Politicaillement correct : l'intégration

Deux concepts d'intégration des immigrants découlent directement des idées déjà élaborées. Alors que le début du XXe siècle avait une prédominance du Melting Pot, la fin de ce siècle voit de nouvelles idées émerger: le multiculturalisme et l'interculturalisme. Définissons chacune de ces approche de l'immigration.

D'abord, l'idée de melting pot est foncièrement américaine. Ce concept fait référence à l'idée que l'immigrant, à son arrivée, doit se fondre dans la masse. Les particularités d'origine ethnique doivent être mises de côté au profit d'une identité nationale commune. L'on parle donc d'assimilation profonde, de standardisation culturelle et d'uniformisation de la société. De cette situation émerge, dans les années 1960, celle d'affirmation ethno-culturelle. L'on parle maintenant de "salad bowl" : les immigrants conservent leur identité, tout en y ajoutant un nouvel aspect, celui de la nation américaine. Peu importe l'angle d'approche, nous parlons donc ici d'assimilation de l'ethnicité, dans son acceptation large de tout groupe identitaire ne faisant pas partie du groupe anglo-américain. (1)

Le multiculturalisme émerge environ dans les mêmes années que celles de "l'affirmative action" aux États-Unis. La particularité de cette approche est qu'elle a pour objectif de favoriser l'affirmation ehtno-culturelle par une approche plutôt individualiste. En effet, pour le multiculturalisme, tous les individus doivent pouvoir avoir accès aux mêmes services et privilèges, peu importe leur système de valeurs. Toutefois, la diversité exprimée par le multiculturalisme doit dépasser l'individu et doit s'exprimer dans des institutions favorisant le contact culturel. (2) Le multiculturalisme (surtout canadien et australien) se pose donc en faux au concept de melting pot américain, et exprime un désir de diversité culturelle comme un outil de la cohésion sociale, en essayant d'amoindrir les différentes sources de discrimination structurelle. Il faut donc, pour se faire, un effort institutionnel afin de favoriser l'égalité des individus. Il s'agit en ce sens d'un "effort démocratique universaliste". (2) Malgré tout, le multiculturalisme engage un certain niveau d'acculturation: l'immigrant doit s'engager à adopter un certain nombre de valeurs communes dans sa société d'accueil.

Finalement, l'interculturalisme est une invention contemporaine purement québécoise. L'idée est mieux expliquée par le terme de "convergence culturelle". Bernard Landry l'exprimait d'ailleurs ainsi: "cela consiste à enrichir par divers apport le tronc original principal planté il y a plus de quatre siècles par les colons qui ont fondé la Nouvelle-France." (3) Outre les problèmes liés à l'oblitération des cultures amérindiennes beaucoup plus ancienne, l'interculturalisme en soulève d'autres. Si l'idée se distingue naturellement du multiculturalisme canadien, elle semble rejoindre, en certains points, celle de l'assimilation américaine. En effet, les immigrants sont poussés à adhérer à un "tronc commun" foncièrement canadien français, tout en "l'enrichissant" de leur apport particulier. En d'autres mots, le nouvel arrivant est appelé à être immigrant à la maison, et Québécois dans l'espace public. Tout comme chez les voisins du sud, où l'on retrouve les afro-américains, les sino-américains, etc, l'on devrait donc trouver, au Québec, des catégories semblables. On déguise donc, sous le verni d'intégration, des concepts liés à l'assimilation et à la déculturation.

L'idée qui émerge ici n'est pas qu'un de ces concept est meilleur ou pire que l'autre, mais qu'il faudrait peut-être, dans une réalité propre au XXIe siècle, redéfinir nos rapports à l'immigration et à l'immigrant, dans un respect mutuel des différences. L'idée n'est ni de "forcer" une assimilation complète ou partielle, ni d'encourager une ghettoïsation des communautés, mais probablement de trouver un juste équilibre sociétal.

Référence :
(1) Philippe Poutignat et Jocelyne Streiff-Fenart, Théories de l'ethnicité, PUF
(2) Milena Doytcheva, Le multiculturalisme, La découverte
(3) Bernard Landry, La véritable "nous", Le Devoir, 0ctobre 2007